Les déboires du rappeur franco-marocain Walid Georgey (Maes)
Maes, entre gloire et zones d’ombre : le rap français face à ses dérives criminelles
🎤 Maes et l’ombre du banditisme : plongée dans les dérives criminelles du rap français
En France, le rap est devenu bien plus qu’un simple genre musical : c’est une industrie florissante, un miroir de la société urbaine, mais aussi — parfois — un terrain de prédation pour le crime organisé. Depuis près d’une décennie, la justice et les médias pointent les liens troubles entre certaines figures du rap français et le monde du banditisme, où l’appât du gain, les rivalités territoriales et les logiques de pouvoir s’entremêlent.
C’est précisément ce que révèle l’ouvrage d’enquête L’Empire (Flammarion, 2025), signé par les journalistes Paul Deutschmann, Simon Piel et Joan Tilouine, tous trois spécialistes des affaires judiciaires et des milieux criminels.
Dans cette enquête fouillée, qui retrace les croisements entre rap, argent et réseaux criminels, le nom du rappeur franco-marocain Maes revient à plusieurs reprises — symbole d’un univers où la gloire musicale côtoie l’ombre des règlements de comptes.
⚖️ De Sevran à Dubaï : la trajectoire d’un rappeur rattrapé par ses origines
Né Walid Georgey à Sevran, en Seine-Saint-Denis, Maes incarne le destin typique de ces jeunes artistes sortis de quartiers populaires, devenus en quelques années des icônes du rap français. Avec des albums certifiés disques de platine et des collaborations prestigieuses, il s’impose rapidement comme l’une des figures les plus bankables de sa génération.
Mais derrière la réussite se cache une zone grise, celle d’un passé entremêlé au monde du trafic et des rivalités locales.
Dès 2015, Maes attire l’attention de la justice : il est arrêté et incarcéré pour des faits liés au trafic de stupéfiants. S’il reprend sa carrière à sa sortie de prison, la violence du milieu qu’il a côtoyé ne le quitte pas.
Vers 2020, selon les révélations du livre L’Empire, Maes devient la cible de tentatives de racket menées par des individus issus de son propre quartier de Sevran. Ces derniers lui reprochent d’avoir “oublié ses origines” et de ne pas redistribuer ses gains à ceux qu’il laissait derrière lui.
Lorsque les pressions s’intensifient, Maes répond par la violence : une fusillade éclate, marquant une escalade irréversible. Craignant pour sa vie, il quitte la France et s’installe à Dubaï fin 2021, loin des balles, mais pas des affaires.
À Sevran, les lignes entre rappeurs et voyous sont parfois floues, expliquent les auteurs. Maes a grandi dans un écosystème où le succès attire autant la jalousie que la menace.
🔫 Le piège des caïds : quand la réussite attire la haine
Les auteurs décrivent un système mafieux où certains réseaux criminels tentent de mettre la main sur les revenus des rappeurs, considérés comme des “pépites économiques” issues de leurs quartiers.
Dans le cas de Maes, les tensions culminent lorsqu’un groupe rival incendie plusieurs véhicules appartenant à l’équipe de tournage d’un de ses clips, en guise d’avertissement.
Le rappeur, furieux, revient dans la cité pour “en découdre”. L’affrontement dégénère : deux individus sont blessés par balles. Dès lors, Maes devient une cible à abattre, tandis que sa réputation de “rappeur dangereux” se renforce.
Son exil à Dubaï ne suffit pas à éteindre le feu. En 2022, son manager Batzo est assassiné en France dans ce qui semble être une vengeance ciblée. Selon L’Empire, Maes aurait ensuite cherché à riposter, s’enfonçant malgré lui dans un engrenage criminel.
💰 De la musique au business : Maes, entre réussite et soupçons
Loin de Sevran, Maes tente de se reconstruire une image et de diversifier ses revenus. Aux Émirats arabes unis, il investit une partie de sa fortune dans la société qui gère Aristo Desert, un centre de loisirs de luxe proposant piscines, restaurants et circuits en buggy, fréquenté par de nombreuses célébrités du Golfe.
Mais son passé le rattrape. En janvier 2025, alors qu’il tente de fuir vers Oman, il est interpellé au Maroc dans le cadre d’un mandat d’arrêt international émis par la France pour des faits d’enlèvement et de séquestration.
Les enquêteurs soupçonnent également le rappeur d’avoir commandité des assassinats depuis Dubaï, dans le contexte de règlements de comptes liés à ses anciens différends.
🧩 Un dossier explosif pour la justice française
L’arrestation de Maes au Maroc marque la fin d’une cavale internationale et le début d’un nouvel épisode judiciaire.
Déjà condamné en 2023 à dix mois de prison par contumace pour violences en réunion, l’artiste fait désormais face à plusieurs enquêtes ouvertes pour association de malfaiteurs et implication présumée dans des règlements de compte.
Les auteurs de L’Empire soulignent que Maes n’est pas un cas isolé : son parcours illustre un phénomène plus large, celui de la contamination du rap français par l’économie souterraine, où la réussite artistique attire convoitises, manipulations et représailles.
🎧 “L’Empire” : une plongée dans les coulisses d’un univers sous tension
Dans ses bonnes feuilles publiées par Le Monde le 29 octobre 2025, L’Empire décrit un univers où le rap est devenu un vecteur économique majeur, générant des millions d’euros entre streaming, concerts, collaborations de mode et marques de luxe.
Mais cette manne attise les convoitises : les gangs et trafiquants y voient une opportunité de blanchiment et de contrôle social, profitant de la proximité entre artistes, producteurs et réseaux locaux.
L’enquête met ainsi en lumière une ligne de fracture au sein du rap français : d’un côté, des artistes qui cherchent à s’émanciper et professionnaliser leur carrière ; de l’autre, des figures encore prisonnières des codes violents des cités.
⚠️ Le revers du succès
Aujourd’hui, Maes incarne à la fois le succès fulgurant du rap français et sa face sombre, celle où la notoriété s’accompagne d’un prix à payer.
Loin des studios et des projecteurs, son histoire rappelle que dans certains milieux, la gloire musicale ne protège pas des dettes du passé.
Et que derrière les chiffres d’or du streaming et les clips aux millions de vues, le rap reste parfois le théâtre d’une guerre silencieuse entre art, argent et pouvoir.
