vendredi, novembre 22, 2024
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Modèle de développement: que veulent les marocain(e)s? Les 100 recommandations

Modèle de développement: ce que veulent les marocain(e)s, selon le Think tank Al Mountada




Le Think tank Al Mountada a rendu public sa contribution à la réflexion sur le nouveau modèle de développement. Santé, éducation, territoires, droits…Tout y passe. Au final, pas moins de 100 recommandations. Les voici.




L’élaboration de la réflexion du Think tank Al Mountada sur le nouveau modèle de développement a obéi à une approche qui se veut territoriale et participative.
Cette réflexion est «le résultat des cercles de réflexion, organisés dans les douze régions du royaume, et qui ont rassemblé plus de 300 cadres, dirigeants, chercheurs, acteurs associatifs, étudiants, etc.», indique une note introductive.
Un état des lieux sans concession est établi: pour les Marocains, l’éducation, la santé et la sécurité sont érigés en priorité absolue.
Cette contribution résume ainsi un ensemble de recommandations, au nombre de 100, secteur par secteur pour un modèle de développement incluant tous les Marocains. Les voici, point par point.




1- Pour un recentrage de la société sur ses priorités
Sur le bien-être des citoyens et la protection sociale
1. Promouvoir la création au sein de la société civile d’agences de protection du consommateur, d’agences de respect et de suivi de la qualité et des normes, etc.
2. Mettre en place une politique de redistribution par le mécanisme des finances publiques à travers l’accroissement des transferts directs (programmes dédiés aux secteurs sociaux, subventions, allocations sociales, etc.), en capitalisant sur l’expérience du ciblage des familles défavorisées mises en place durant la crise du Covid-19.
3. Moderniser et intensifier les opérations de recensement en faisant appel aux nouvelles technologies d’information et de communication.
4. Indexer les salaires sur l’inflation.
5. Accélérer la mise en place d’une protection sociale et une assurance maladie universelles pour toutes les catégories socio-économiques notamment les travailleurs du secteur informel.




Sur la santé
6. Assurer l’accès à tous, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, aux services de santé publics.
7. Allouer davantage de budget au secteur de la santé pour développer les infrastructures sanitaires en vue de l’amélioration de la qualité des soins.
8. Mettre en place une rémunération attractive pour les médecins et personnels du public basé sur le rendement en vue d’assurer la mobilisation du personnel nécessaire pour répondre aux besoins de la population, et pour la bonne utilisation des équipements.
9. Assurer la gratuité de tous les médicaments liés aux maladies chroniques à travers des politiques publiques de soutien de leur production au Maroc.
10. Favoriser une indépendance de gestion pour les hôpitaux territoriaux sur la base d’une contractualisation dans un cadre juridique transparent.
11. Créer en urgence un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) pour chaque région et offrir une formation adaptée aux niveaux quantitatif et qualitatif.
12. Mettre en place un cadre propice au développement de la télémédecine (téléconsultations, communication audio-visuelle).




Sur la justice
13. Eriger au rang de priorité nationale l’intégrité du système judiciaire, la primauté de la loi et de son application à tout un chacun.
14. Lutter contre la corruption, selon une approche qui intègre des mesures préventives et éducatives, et d’autres contraignantes et coercitives, et qui promeut les valeurs de transparence et de responsabilisation et de reddition des comptes, que ce soit dans la gestion publique ou privée.
15. Veiller sur la primauté du mérite, de l’intégrité, de la transparence et de l’égalité des chances et activer l’opérationnalisation du principe constitutionnel de corrélation entre responsabilité et reddition des comptes.
16. Changer d’approche dans le processus législatif en vue de libérer les énergies, selon le déroulé «permettre» et «légiférer» ensuite en connaissance de cause, plutôt que légiférer d’abord sur un objet souvent inconnu et ne procéder que rarement à des adaptations des textes a posteriori.
17. Elaborer les lois de manière à ce qu’elles correspondent aux réalités et aux vécus du citoyen.
18. Mettre en place une assistance juridique de conseil gratuite pour les personnes défavorisées qui ne disposent pas de ressources nécessaires pour embaucher un avocat.
19. Moderniser le système judiciaire et le rendre plus transparent en filmant les auditions.




Sur le sport
20. Promouvoir le sport universitaire et les projets sportifs portés par les étudiants dans les écoles et les universités.
21. Promouvoir les infrastructures sportives dans les différentes régions, provinces et préfecture, communes et arrondissements et assurer une facilité d’accès à ces infrastructures par les citoyens, en particulier les enfants et les jeunes.
22. Encourager l’innovation sportive, notamment les initiatives qui visent l’insertion professionnelle des jeunes par le sport, à travers une formation professionnelle adaptée aux besoins des entreprises sportives.
23. Mettre en place un cadre réglementaire couvrant l’ensemble des aspects de l’activité notamment l’organisation sportive, le rôle des fédérations, le mode de suivi et de gouvernance, la protection de l’activité et des sportifs, la formation, etc.
24. Encourager les partenariats entre les secteurs public, privé et associatif.




Sur l’ESS (Economie sociale et solidaire) comme vecteur de développement
25. Mettre en place un cadre juridique qui tient compte des particularités de l’ESS, instaure des politiques, des facilitations administratives et des programmes d’accompagnement de l’ESS.
26. Reconnaître et impliquer les institutions sociales traditionnelles qui sont ancrées dans le territoire comme Jmaa, Taqbilt, Agadir.
27. Mener des campagnes de vulgarisation et de sensibilisation quant aux valeurs et aux opportunités offertes par ces structures et déconstruire les représentations sociales et préjugés liés aux associations et coopératives.
28. Promouvoir l’éducation coopérative et ses bonnes pratiques.
29. Établir des partenariats avec les entreprises de l’ESS pour accompagner l’action publique relative aux services sociaux qui accusent des retards importants, notamment dans les régions les plus enclavées.
30. Se baser sur le concept d’entrepreneuriat social pour offrir un accompagnement éducatif aux élèves issus de milieux socio-économiques précaires et encourager la création des entreprises sociales dans le secteur éducatif.




2. Recommandations pour une réforme des finances publiques et de l’Administration
Sur le renforcement des compétences de l’Administration
31. Introduire de nouvelles fonctions stratégiques dans le management public, comme la gestion de la formation des ressources humaines et le développement des compétences, le contrôle de gestion pour le suivi de la mise en œuvre des politiques, ou l’audit interne dans le cadre de la reddition.
32. Développer un environnement et des conditions susceptibles d’attirer les compétences et les talents, en actionnant les mécanismes relatifs à la rémunération, à la promotion, au mérite, et au rendement.
33. Planifier la relève en identifiant et en «cartographiant» les connaissances critiques et en mettant en place les outils et pratiques nécessaires pour capitaliser, transférer et faciliter la pérennité de ces connaissances.
34. Veiller à la diffusion d’une culture organisationnelle basée sur le partage, l’entraide et la confiance, les échanges verticaux et horizontaux, les incitations au partage.
35. Assurer le déploiement d’infrastructures et de technologies adaptées à l’amélioration de la performance.




Sur l’Administration au service du citoyen
36. Libérer les énergies, en termes d’autorisations administratives, en particulier à la plus petite échelle territoriale.
37. S’appuyer sur le socle de la régionalisation pour garantir aux citoyens les services et les prestations de proximité dont il a besoin.
38. Accélérer la dématérialisation des procédures et des services via l’informatisation de données et utiliser les nouvelles technologies et les généraliser, comme base du renforcement du principe de transparence, et de la garantie d’un accès rapide et uniformisé des informations aux citoyens.
39. Développer davantage «l’accueil et l’orientation des usagers», ainsi que les outils digitaux de facilitation de l’accès aux services publics et de justificatifs administratifs.




Sur les investissements publics
40. Promouvoir la dynamique Planification & Priorisation > Objectifs & Moyens > Programmation & Exécution > Suivi & Évaluation > Réajustement & Reddition, et relever le défi de «faire mieux avec moins».
41. Orienter les investissements publics davantage sur les services publics (éducation et santé en particulier), et les secteurs productifs et créateurs d’emplois tels que l’agriculture, l’industrie, ainsi que les start-up.
42. Permettre la création d’instances de suivi émanant de la société civile, ou l’associant, en veillant à la transparence et à la publication de données par les autorités publiques.
43. Créer une banque publique d’investissement dédiée au financement des services publics prioritaires (éducation et santé en particulier) et des PME opérant dans les secteurs innovants et prometteurs; cette banque pourrait bénéficier de conditions avantageuses (voire très avantageuses) de refinancement et de couverture du risque.
44. Redéfinir et élargir les missions de Bank Al-Maghrib à travers l’amendement de l’article 6 de la loi 40-17 sur le nouveau portant statut de Bank Al-Maghrib selon les termes suivants: «l’objectif de la Banque est d’apporter son soutien au développement économique du pays, aux investissements productifs de l’Etat, et de maintenir la stabilité des prix sur le long terme».




Sur la dette et le train de vie de l’État
45. Réduire les dépenses superflues et développer l’épargne publique.
46. Rendre la dépense publique plus efficace en en finissant avec la culture de la rente et de la gabegie.
47. Rendre la dépense publique plus efficace en renonçant aux dépenses qui ne donnent pas de résultats ou d’effets macroéconomiques; ceci passerait notamment par la mise en place des structures dédiées à l’évaluation des politiques publiques.
48. Ramener le déficit budgétaire à moins de 3 %.
49. Se désendetter vis-à-vis des institutions internationales publiques et privées, selon un impératif de souveraineté économique, et non de fermeture, en vue de placer les finances publiques sur une trajectoire soutenable.




Sur la fiscalité
50. Élargir l’assiette fiscale, et abaisser progressivement les niveaux moyens d’imposition des impôts indirects (IS et IR).
51. Élargir l’application du taux de 37 % au titre de l’IS pour les secteurs non productifs et rentiers (promotion immobilière, télécommunications, distribution des produits importés pour lesquels il existe un potentiel industriel national, etc.).
52. Défiscaliser la recherche scientifique et les innovations technologiques opérées dans les entreprises publiques et privées.
53. Opérer une gestion active des dépenses fiscales, exonérations et autres régimes dérogatoires en les pilotant davantage, en les limitant dans le temps, en établissant des objectifs clairs, et en prévoyant des organes de gouvernance pour leur pilotage, leur suivi et leur évaluation.
54. Relever le seuil d’exonération de l’IR à60 000 dirhams/an au lieu de 30 000 dirhams/an actuellement.
55. Simplifier la structure des taux de la TVA; celle-ci devrait comporter deux taux (10 % et 20 %) applicables aux différentes opérations avec droit à déduction.
56. Activer les principes de l’égalité devant l’impôt et de la lutte contre l’évasion fiscale.




3. Recommandations pour un écosystème de l’enfant et un système éducatif en phase avec les enjeux de la société
Pour un système éducatif en phase avec les enjeux de la société
57. Adopter des innovations en matière d’éducation visant à accroître la productivité et l’efficacité de l’apprentissage et à améliorer la qualité de l’apprentissage.
58. Redéfinir les conditions et les critères de sélection et de recrutement des enseignants, ainsi que la supervision et le suivi de leur productivité.
59. Adopter un système de formation continue et permanente des professeurs.
60. Rompre avec la stratégie classique de promotion basée sur l’ancienneté et adopter la méritocratie comme un nouveau mode de rémunération; autrement dit, la promotion des enseignants doit être fondée sur leur rendement et sur leur qualité d’enseignement.
61. Promouvoir l’apprentissage des langues étrangères (le français et l’anglais) dès le plus jeune âge pour allier marché du travail au niveau national et international avec le programme scolaire suivi par les étudiants.
62. Généraliser la formation en ligne à travers les MOOC (cours en ligne ouvert à tous).
63. Cultiver l’appétit pour les sciences humaines.
64. Faciliter la transition entre la formation professionnelle et le système d’enseignement général et permettre aux titulaires d’un bac professionnel d’avoir accès à l’enseignement supérieur afin de diversifier le cadre éducatif en matière d’orientation pour les étudiants.
65. Appliquer le taux standard d’impôt sur les sociétés (30 %) sur les écoles privées, et affecter les recettes collectées au financement de l’éducation dans le secteur public.




Pour une convergence des politiques publiques vers un écosystème social de l’enfant
66. Décaler les horaires de sortie de l’école par rapport à l’heure de sortie du travail, ainsi, l’ensemble des écoles doivent proposer un service de garde, de qualité et à un prix abordable, voire proportionnel au revenu des parents.
67. Mettre en place des structures d’accueil, type maison de l’Enfant, pour accueillir les enfants pendant les vacances scolaires et les jours fériés.
68. Encourager le développement et l’épanouissement personnel de l’enfant lui permettant d’acquérir un certain nombre de qualités humaines comme la citoyenneté, la solidarité, le vivre-ensemble, le civisme social et administratif, le sens du partage, l’écoute et la tolérance envers l’autrui.
69. Prévoir des activités de vacances scolaires au sein des écoles, à un prix proportionnel au revenu des parents.
70. Instituer la gratuité des transports publics pour les écoliers sur les chemins de l’école dans le milieu urbain et rural.




Dans le milieu rural
71. Calquer les jours sans école aux jours de souk, de moussem ou de fêtes locales, pour limiter l’absentéisme scolaire et dans les zones de montagnes, adapter les vacances et les horaires en fonction des périodes de grands froids.
72. Mettre en place des enseignements pratiques et utiles à l’enfant et à sa communauté: règles de survie en montagne et milieu rural, gestes d’urgence (morsure de serpent ou de scorpion, accouchement), lutte contre les incendies, certaines maladies, matières agricole, écologique, etc.
73. Mettre en place des allocations aux familles rurales qui maintiennent leurs enfants au collège et au lycée.




4. Recommandations pour une réussite de la régionalisation
Sur la réussite de la déconcentration administrative
74. Réglementer d’avantage l’exercice de la complémentarité et la continuité des fonctions entre les différents échelons, local, provincial, et régional, conformément à la logique des lois organiques relatives aux collectivités territoriales.
75. Réviser le découpage administratif notamment au niveau des communes rurales, en se basant sur les résultats du RGPH 2014, en vue de la complémentarité dans l’exercice des fonctions entre les trois échelons du territoire.
76. Renforcer les fonctions des élus locaux; à savoir la représentation, la gestion, le contrôle et la médiation, par la formation.
77. Doter les Régions de compétences et déployer les fonctionnaires nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la régionalisation.




Sur la fiscalité locale
78. Exclure les établissements de crédit et organismes assimilés (Bank Al Maghrib, CDG, sociétés d’assurances, etc.), ainsi que les agences immobilières du champ d’exonération de la taxe professionnelle.
79. Séparer, au niveau des communes, les prérogatives actuelles des régisseurs d’arrondissements, qui couvrent à la fois le recensement d’assiette, le recouvrement des recettes, le contrôle et la gestion de caisse.
80. Simplifier les taxes et redevances au niveau local et remplacer certaines taxes à faible rendement et dont le coût d’administration est élevé, soit par des prélèvements fiscaux simples et à large assiette soit par des rémunérations pour services rendus.
81. Renforcer les contrôles sur pièces et sur place.




5. Recommandations pour une nouvelle vision de la politique industrielle et pour une ouverture raisonnée et souveraine
Sur la compétitivité du secteur industriel
82. Développer la formation professionnelle initiale et continue, en partenariat avec le secteur privé, en s’inspirant des modèles de partenariat mis en place dans les métiers de l’automobile et de l’aéronautique.
83. Améliorer l’accès des entreprises à un foncier industriel correspondant à leurs besoins (intégré aux zones d’activité économique), à des prix et selon des formules adaptés et transparents.
84. Réduire la contrebande et lutter contre les importations déloyales qui entravent le développement d’une industrie nationale.
85. Développer une offre logistique diversifiée et compétitive pour le marché intérieur.
86. Multiplier les programmes d’accompagnement et de financement des start-ups innovantes, sur la base de leurs dépenses en R&D et de leur capacité d’innovation.
87. Mettre en place des centres de recherche dédiés à l’écosystème industriel 4.0 (intelligence artificielle, big data, fintech, agritech, biotech, etc.).
88. Exploiter les fréquences basses pour le développement des technologies autour des objets connectés, autoriser les drones et leur application dans les différents secteurs, etc.




Sur la stratégie de développement d’un tissu productif national
89. Eriger au rang de priorité le développement de Joint-Ventures qui permettent l’accélération de l’association des sociétés nationales et étrangères, et par conséquent, le transfert du savoir, du savoir-faire, de la technologie et des bonnes pratiques opérationnelles et managériales.
90. Opter pour une politique d’industrialisation par substitution aux importations sur les secteurs et branches pour lesquelles existe un potentiel de développement d’un tissu industriel national orienté vers le marché local (textile, agroalimentaire, industrie sanitaire, industrie électroménagère, petit équipement, etc.).
91. Mettre en place un cadre juridique permettant à l’investissement public d’encourager les start-up et PME marocaines.
92. Assurer une veille sur les importations et assurer une maitrise des barrières non tarifaires, armes de la guerre commerciale.
93. Mettre en place une stratégie de suivi des importations, basée sur la normalisation et le contrôle.
94. Instaurer des droits de douane de manière à diminuer les importations «non-productives» et réduire la dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur.




Sur les Accords de Libre-Échange et la maitrise des outils du commerce international
95. Réévaluer l’ensemble des partenariats existants, en particulier l’ALE avec la Turquie, et pro ter du repli économique international pour se préparer pour une nouvelle génération d’ALE.
96. Diversifier les partenariats commerciaux avec les pays en développement, à niveau comparable de compétitivité, avec par exemple les Etats d’Afrique de l’Ouest.
97. Se doter d’un ambassadeur permanent du Maroc à l’OMC à l’instar de la Turquie, de l’Arabie Saoudite ou de nombreux pays d’Amérique latine.
98. Appuyer les entreprises dans l’ouverture de marchés à l’international, notamment face aux obstacles non tarifaires.
99. Développer les compétences, en particulier juridiques, pour appréhender la complexité des pratiques protectionnistes et savoir y répondre.
100. Renforcer l’arsenal juridique dans le contexte d’une économie mondiale à la fois libérale et protectionniste, et apprendre à protéger le marché national de pratiques déloyales.




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