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10 septembre 1844: traité de paix après la bataille d’Isly opposant le Maroc à la France

10 SEPTEMBRE 1844 : TRAITÉ DE PAIX SUITE À LA BATAILLE D’ISLY OPPOSANT LE MAROC À LA FRANCE

Le 10 septembre 1844, la France et le Maroc signent un traité de la paix suite à la bataille d’Isly mais aussi le bombardement de Tanger et l’occupation de Mogador. Une réponse de la France coloniale pour le soutien marocain à l’insurrection de l’émir Abdelkader.




Le 10 septembre 1844, la France et l’empire chérifien sous Moulay Abderrahmane signaient à Tanger un traité pour la paix.

Il intervient suite au bombardement de Tanger le 10 août de la même année, la bataille d’Isly près d’Oujda et l’occupation de Mogador.

Réponse de la France coloniale qui mettra un terme au soutien du Maroc à l’émir Abdelkader, le traité de Tanger sera entériné par l’accord de Lalla Maghnia en 1945 et constituera le prélude du Protectorat français sur le royaume.

Nous sommes en Algérie, vers 1842.

Cela fait une décennie que l’émir Abdelkader mène la vie dure à la France coloniale qui tente, depuis 1830, d’envahir le voisin de l’Est.

Sur le point d’être vaincu par l’armée française, Abdelkader saisit le sultan du Maroc, Moulay Abderrahmane qui le soutient.

Après avoir perdu le contrôle de Tlemcen, il passe même la frontière avec le Maroc et dispose du soutien des tribus marocaines de l’Est.




LE BOMBARDEMENT DE TANGER

Irrité par cette ingérence marocaine, le consul de la France au Maroc adresse une mise en garde à la Cour du sultan à Fès.

«La France veut conserver la limite de la frontière qu’avaient les Turcs, et Abdelkader après eux.

Elle ne veut rien de ce qui est à vous mais elle veut que vous ne receviez plus Abdelkader pour lui donner des secours, le raviver quand il est presque mort, et le lancer sur nous», indique le message adressé par le représentant de la France au Maroc.

Un ultimatum qui sera rejeté par Moulay Abderrahmane.

Dès août, la France lancera ce que l’histoire appellera par la suite «la première guerre du Maroc». Le 6 août, la ville de Tanger est bombardée, dès les premières heures.

«Le Suffren, le Jemmapes, le Triton, la Belle Poule, le Cassard et l’Argus, remorqués par des vapeurs, se mirent en mouvement pour gagner leur poste de combat», écrit Achille Fillias dans «Campagne du Maroc. Tanger, Isly, Mogador, 1844» (Éditions A. Bouyer, 1881).




Sur la plage, «un millier d’hommes armés» se tenait pour riposter à cette «agression française».

À huit heures et demie du matin, sur le signal que donna le Suffren, frégate lance-missiles de la Marine nationale française, lance un coup de canon d’honneur avant que tous les vaisseaux hissent le pavillon français à la tête de leurs mâts et «lâchèrent leurs bordées».

«Les Marocains avaient une artillerie en bon état, habilement servie par des déserteurs espagnols, mais tout-à-fait insuffisante quant au nombre des pièces mises en action. Ils firent d’abord preuve de sang-froid et ripostèrent avec vigueur ; mais il vint un moment où les plus intrépides furent eux-mêmes forcés d’abandonner leurs pièces.»

Achille Fillias

En moins d’une heure, les ouvrages protégeant les remparts de la ville du Détroit s’écroulent. A onze heures, les vaisseaux français terminent «leur œuvre de destruction» avant de se diriger, via la mer, vers Mogador.




UNE GUERRE POUR «ABAISSER L’ORGUEIL DES MAROCAINS»

Le 14 août, alors que ces navires venaient stationner devant Essaouira, la «bataille d’Isly» éclatera à la frontière maroco-algérienne et se soldera également par une défaite foudroyante de l’armée marocaine menée par Moulay Mohamed Ben Abderrahmane.

La ville d’Oujda est alors occupée par les forces françaises qui ne tarderont pas à occuper Mogador aussi.

Bien que sa flotte arrivera le 11 août devant Mogador, «après une traversée des plus pénibles», le bombardement sera lancé le 15 août, vers deux heures.

Il durera «deux heures, sans que le feu discontinuât de part ni d’autre».

Avec 14 tués soldats tués, 64 blessés et des bâtiments de guerre touchés, la victoire est un peu plus amère que celle de Tanger ou d’Isly.

Toutefois, la France fera d’une pierre deux coups. Elle est parvenue à disposer d’un soutien des puissances européennes, à l’exception de la Grande-Bretagne.




Elle réussira à décrocher un traité de paix, signé le 10 septembre 1844 avec le royaume chérifien, plus enclin à accepter les demandes des autorités françaises.

«La victoire (…) eut pour effet immédiat d’abaisser l’orgueil des Marocains dont la politique faisait, depuis trop longtemps, échec à la nôtre, et de mettre un terme à l’agitation provoquée dans l’Ouest par les partisans d’Abd-el-Kader», écrit Achille Fillias.

Un traité qui ne fera pas l’unanimité, même au sein du Parlement français.

Ancien commandement, Michel Sapin-Lignières pointe du doigt une «victoire militaire va être étouffée par des négociations civiles» et un «traité, vite conclu (…) mais insuffisant et incomplet».

«Si Abd el-Kader est théoriquement mis hors la loi, les Marocains ne se chargeront pas de le neutraliser et il pourra encore de longs mois continuer au Maroc sa vie de chef de bande», dénonce-t-il.




VERS LE PROTECTORAT FRANÇAIS AU MAROC

Mais d’un autre point de vue, la France voulait aussi conclure au plus vite le traité de paix avec le Maroc, comme le rapporte Amira K. Bennison dans «Jihad and its Interpretation in Pre-Colonial Morocco» (Editions Routledge, 2003).

«Les Français aussi souhaitaient conclure les hostilités, estimant que leur objectif -le châtiment du sultanat pour assister Abdelkader -avait été atteint et que de nouvelles hostilités pourraient mener à une guerre avec la Grande-Bretagne», écrit-elle.

«Le sultan voyait avec méfiance les suggestions françaises de trêve, soupçonnant un stratagème qui nuirait davantage à sa position, mais il nomma un négociateur. Il l’informa toutefois qu’il enverrait des envoyés à Londres, à Vienne, à Saint-Pétersbourg et à l’Empire ottoman pour demander le soutien et la médiation de ces quatre grandes puissances si les Français rejetaient ses conditions de paix dans un effort plutôt tardif pour obtenir un soutien international.»

Amira K. Bennison





Pour assurer la paix, Moulay Abderrahmane devait arrêter Abdelkader ou le chasser de la frontière et le déclarer hors-la-loi.

Les Français ont également stipulé que les soldats marocains à Oujda devront être réduits à 2 000 hommes, que les tribus devraient respecter l’ancienne frontière et qu’une commission mixte enquêtera sur la ligne exacte de cette frontière et la régler dans un délai de six mois.

Le 18 mars 1845 un traité de délimitation frontalière est ainsi conclu entre le représentant du gouvernement du roi Louis-Philippe et le représentant du sultan Moulay Abderrahman à Lalla Maghnia, en Algérie.

«Les deux plénipotentiaires sont convenus que les limites qui existaient autrefois entre le Maroc et la Turquie resteront les mêmes entre l’Algérie et le Maroc», énonce le tout premier article de ce traité.




La France réussira donc à isoler Abdelkader et conclure son occupation de l’Algérie tout en gardant un œil sur le Maroc.

Méfiant à l’égard de la France, le sultan alaouite Moulay Abderrahmane dépêche, dès décembre 1845, Abdelkader Ach’Ach alors puissant pacha de Tétouan, comme ambassadeur à la cour de Louis-Philippe 1er de France pour déterminer les vraies intentions des Français.

Mais ce n’est qu’en 1901 que la France débutera sa conquête du Maroc en obtenant d’abord un accord avec les autorités marocaines, l’autorisant à «aider» l’administration marocaine dans les régions encore non contrôlées du Maroc oriental.