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Maroc : les nouveautés du Code de procédure pénale

Justice Marocaine Maroc Moroccan Justice Morocco

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Réforme du Code de procédure pénale au Maroc : ce que change la loi 03.23 pour les droits et libertés des citoyens

Entrée en vigueur le 8 décembre 2025, la loi 03.23 réformant le Code de procédure pénale marocain redéfinit la détention provisoire, renforce les droits de la défense, protège les victimes et modernise la justice pénale face aux défis sociaux et numériques.

Une réforme majeure du système pénal marocain entrée en vigueur en décembre 2025

Le système judiciaire marocain a franchi un cap décisif avec l’entrée en application, le 8 décembre 2025, de la loi n° 03.23 relative au Code de procédure pénale. Cette réforme d’envergure, qui concerne plus de 420 articles, constitue l’une des transformations les plus profondes du droit pénal marocain depuis plusieurs décennies. Elle vise à rééquilibrer l’action répressive de l’État avec une meilleure garantie des droits et libertés fondamentales, dans un contexte marqué par l’évolution des normes internationales et les mutations sociales et technologiques.

Portée par une volonté affichée d’humanisation de la justice, cette refonte s’inscrit dans une logique de justice pénale plus protectrice, plus transparente et plus proche du citoyen, sans pour autant affaiblir la lutte contre la criminalité.

La détention provisoire consacrée comme une mesure strictement exceptionnelle

L’un des piliers de la réforme concerne la détention provisoire, désormais encadrée de manière plus rigoureuse. Le législateur consacre explicitement son caractère exceptionnel, rappelant qu’elle ne peut être ordonnée qu’en cas de nécessité absolue. L’objectif est de réduire significativement le recours à l’incarcération préventive, longtemps critiquée pour son usage extensif, et de privilégier les alternatives respectueuses de la présomption d’innocence.

Cette orientation marque une rupture doctrinale claire : la privation de liberté avant jugement n’est plus un réflexe judiciaire, mais une mesure de dernier recours, strictement justifiée et contrôlée.

Conciliation pénale et désengorgement des tribunaux

La conciliation pénale, ou règlement amiable, connaît un élargissement notable. Elle s’applique désormais aux délits passibles de deux ans d’emprisonnement ou moins, ou d’une amende inférieure ou égale à 100.000 dirhams. Cette évolution ouvre la voie à un traitement plus rapide et plus souple des litiges pénaux courants, tout en allégeant la charge des juridictions.

Ce mécanisme favorise une justice plus pragmatique, tournée vers la réparation et l’apaisement social plutôt que vers la sanction systématique.

Contrainte par corps : une approche plus humaine et sociale

La réforme introduit un relèvement significatif du seuil financier de la contrainte par corps, désormais inapplicable lorsque la somme due est inférieure à 8.000 dirhams. Cette disposition vise à protéger les personnes en situation de vulnérabilité économique et à éviter l’incarcération pour dettes modestes.

Au-delà de l’aspect financier, le texte consacre des interdictions à caractère humanitaire, excluant cette mesure pour les femmes enceintes, les mères allaitantes jusqu’à deux ans après l’accouchement, ainsi que pour les personnes âgées de plus de 60 ans. La loi veille également à préserver la stabilité familiale en interdisant l’exécution simultanée de la contrainte par corps à l’encontre des deux époux.

Garde à vue, contrôle médical et droits de la défense renforcés

La nouvelle législation renforce considérablement les garanties entourant la garde à vue. Un examen médical obligatoire est désormais imposé chaque fois que l’état de la personne l’exige, dans une logique de prévention contre la torture et les mauvais traitements. La vérification d’identité est strictement limitée à quatre heures, renouvelable une seule fois avec l’autorisation du procureur du Roi, assortie de l’obligation d’informer la famille ou l’avocat.

L’avocat voit son rôle renforcé dès la phase préliminaire. Il peut assister son client dès l’interrogatoire devant le parquet, solliciter des expertises médicales, produire des documents et formuler des observations ou des questions, consacrant un droit à la défense plus effectif et plus équilibré.

Une place centrale accordée aux victimes dans le procès pénal

La réforme marque une avancée symbolique et pratique majeure pour les droits des victimes. Celles-ci peuvent désormais s’exprimer après chaque témoignage à l’audience, un droit jusque-là réservé à l’accusé. Cette évolution participe à une reconnaissance accrue de leur parole et de leur rôle dans le processus judiciaire.

Parallèlement, les bureaux d’assistance sociale au sein des tribunaux voient leurs missions renforcées, notamment pour l’accueil et l’accompagnement des victimes de violences, de traite des êtres humains et de mauvais traitements, en particulier les femmes et les enfants.

Protection accrue des mineurs et encadrement du rôle des associations

Les enfants bénéficient de garanties spécifiques. Toute interpellation d’un mineur pour vérification d’identité impose l’information immédiate du représentant légal, et aucune audition ne peut avoir lieu sans sa présence, assurant une protection maximale contre toute pression ou dérive procédurale.

L’action des associations en tant que parties civiles est désormais strictement encadrée. Seules celles reconnues d’utilité publique, existant depuis au moins quatre ans et autorisées par le ministère de la Justice peuvent intervenir. Dans les affaires de violences faites aux femmes, leur intervention est conditionnée à l’accord écrit préalable de la victime, affirmant son droit à disposer de sa parole et à préserver sa vie privée.

Cybercriminalité, traçabilité et modernisation de la justice pénale

Face à l’essor de la cybercriminalité, la loi 03.23 dote les autorités judiciaires de moyens légaux modernisés, tout en renforçant la protection des enfants contre l’exploitation numérique et les contenus pédopornographiques. La traçabilité complète des audiences est désormais imposée, garantissant transparence, droit au recours et sécurité juridique.

Dans un souci d’efficacité, la réforme élargit également le recours au juge unique pour les affaires simples. Cette simplification permet d’accélérer le traitement des dossiers courants et de libérer les formations collégiales pour les affaires complexes, améliorant ainsi la qualité globale des décisions judiciaires.

Une justice pénale plus humaine face aux défis contemporains

Avec la loi n° 03.23, le Maroc engage une transformation profonde de sa justice pénale. En réaffirmant la présomption d’innocence, en renforçant les droits de la défense, en plaçant les victimes au cœur du dispositif et en adaptant l’arsenal juridique aux défis numériques, le législateur pose les fondations d’une justice plus humaine, plus efficace et plus respectueuse des libertés.

Cette réforme marque une étape structurante dans l’évolution de l’État de droit au Maroc, à l’heure où les attentes citoyennes en matière de justice, de transparence et de protection des droits n’ont jamais été aussi élevées.

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