Cash en recul au Maroc en 2024 : un tournant vers les paiements digitaux selon Bank Al-Maghrib
Pour la première fois depuis plus de dix ans, la circulation du cash au Maroc ralentit nettement. Le rapport annuel 2024 de Bank Al-Maghrib révèle un changement profond dans les habitudes financières des Marocains, porté à la fois par l’amnistie fiscale et par l’essor progressif des paiements digitaux. Cette mutation s’opère doucement mais marque un véritable tournant dans la manière dont l’économie nationale gère ses flux monétaires.
Un ralentissement historique de la circulation fiduciaire
En 2024, la circulation du cash au Maroc progresse beaucoup moins vite grâce à l’amnistie fiscale et à la montée des paiements digitaux. Le rapport de Bank Al-Maghrib dévoile une transition inédite dans les habitudes financières des Marocains.
L’année 2024 marque une rupture discrète mais significative dans la relation des Marocains avec l’argent liquide. Après une décennie de croissance soutenue, la circulation fiduciaire continue d’augmenter mais à un rythme sensiblement plus faible. Selon Bank Al-Maghrib, l’argent liquide en circulation atteint 444 milliards de dirhams, soit une progression de 8%, bien inférieure aux hausses observées en 2022 et 2023, respectivement de 10% et 11%. Ce ralentissement témoigne d’un double phénomène : le retour vers les banques d’une partie du cash thésaurisé, stimulé par l’amnistie fiscale, et l’émergence d’une transition vers des usages numériques plus répandus.
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Malgré ce tassement, le Maroc reste cependant un pays où le cash domine encore largement les échanges. Le niveau de circulation se traduit par 2,9 milliards de billets et 3,3 milliards de pièces, confirmant un pays toujours fortement cash-driven. Bank Al-Maghrib souligne à ce titre un ratio cash/PIB de 29%, un niveau bien supérieur aux 22% enregistrés avant la pandémie, preuve que la transformation vers le digital commence à peine à rééquilibrer le paysage monétaire.
Une évolution infra-annuelle marquée par des mouvements contrastés
L’analyse des flux intra-annuels met en lumière des comportements particulièrement révélateurs. Durant les cinq premiers mois de l’année, les retraits nets diminuent, passant de 15,3 à 14,7 milliards de dirhams, traduisant une légère baisse de la demande en liquidités. Cette tendance est toutefois contrebalancée par un regain saisonnier lié à l’Aïd Al-Adha et à l’été, périodes traditionnellement propices à la consommation et aux transferts familiaux. Les flux nets atteignent alors 19,1 milliards de dirhams, illustrant la sensibilité du cash aux rythmes sociaux et religieux.
Le mois de décembre 2024 constitue cependant un cas exceptionnel. Les versements en cash bondissent à 20,6 milliards de dirhams, soutenus massivement par l’impact de l’amnistie fiscale, tandis que les sorties reculent à 18,4 milliards. Cette opération exceptionnelle permet d’absorber une partie du cash dormant et contribue à contenir l’expansion habituellement vigoureuse de la circulation fiduciaire en fin d’année.
Une structure du cash toujours dominée par les grosses coupures
Si la dynamique ralentit, la composition du cash reste quant à elle quasiment inchangée. Le billet de 200 dirhams règne largement sur le paysage monétaire, représentant 75% de la valeur globale en circulation et 57% du volume total. Il est suivi du billet de 100 dirhams, dont les proportions restent stables avec 23% en valeur et 34% en volume. Les petites coupures, notamment celles de 20 et 50 dirhams, demeurent marginales dans l’ensemble de la circulation fiduciaire.
Du côté des pièces, la croissance reste modérée avec une hausse de 3,1%. Les pièces de 1 dirham et ½ dirham restent les plus utilisées, confirmant leur rôle central dans les transactions quotidiennes, notamment dans les transports, les commerces de proximité et l’économie informelle.
Le Maroc entre deux mondes : domination du cash et accélération du digital
Malgré son poids dominant, le cash n’est plus seul maître à bord. Les signaux d’un basculement progressif vers le paiement digital se multiplient : adoption croissante du virement instantané, essor du paiement mobile, modernisation rapide de l’infrastructure numérique, et multiplication des solutions de paiement électronique chez les commerçants.
Cette transition reste encore à un stade intermédiaire. Le cash continue de structurer le quotidien des transactions, mais les usages digitaux gagnent du terrain. À court terme, les espèces demeurent majoritaires. À moyen terme, la courbe pourrait s’inverser, et le Maroc pourrait amorcer un véritable rééquilibrage entre argent liquide et solutions électroniques.
Le rapport 2024 de Bank Al-Maghrib montre clairement que cette transition n’est plus hypothétique. Elle est en cours, tangible, et s’annonce comme l’une des évolutions structurelles majeures du système de paiement marocain pour les années à venir.

