Un « accord de paix » imminent entre le Maroc et l’Algérie ?
Washington relance le jeu au Maghreb : un « accord de paix » Maroc–Algérie d’ici 60 jours ?
Une annonce aussi brève que bouleversante : Steve Witkoff, émissaire spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient, a révélé, aux côtés de Jared Kushner, que les États-Unis travaillent à un « accord de paix » entre le Maroc et l’Algérie. Un projet à concrétiser en soixante jours chrono, selon ses termes, qui s’inscrit dans une redéfinition profonde de la stratégie américaine au Maghreb — et place à nouveau le Sahara marocain au cœur du jeu diplomatique mondial.
Une phrase, un séisme diplomatique
C’est au détour d’une émission très suivie de la chaîne CBS, conduite par la journaliste vedette Lesley Stahl, que la déclaration est tombée. Après un long entretien consacré aux tensions au Proche-Orient et à la situation à Gaza, Steve Witkoff, accompagné de Jared Kushner, a choisi la toute fin du programme pour lâcher une phrase qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre :
Nous travaillons sur un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie. Un deal sera annoncé d’ici 60 jours.
Aucune précision supplémentaire. Pas un mot de plus sur le format des discussions, ni sur les parties impliquées. Mais le message, lui, est limpide : Washington s’invite officiellement dans la médiation maghrébine, avec un objectif ambitieux — peut-être même téméraire —, celui de rapprocher deux voisins dont les relations diplomatiques sont rompues depuis 2021.
Le Sahara, pivot de la stratégie américaine
Derrière cette initiative, un fil conducteur évident : le dossier du Sahara marocain. Depuis la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud en décembre 2020, sous la première présidence Trump, Washington a consolidé une position claire et constante.
Sous le second mandat du président républicain, cette ligne s’est encore durcie : le plan d’autonomie marocain n’est plus seulement présenté comme « une option sérieuse et crédible », mais comme « la seule base réaliste » pour tout règlement politique. Le projet de résolution 2025 du Conseil de sécurité, rédigé par les États-Unis en tant que pen holder du dossier, entérine ce tournant diplomatique majeur.
Dans les faits, la Maison-Blanche entend verrouiller durablement son soutien au Maroc, tout en cherchant à désamorcer la tension chronique avec l’Algérie, puissance militaire régionale qui campe sur ses positions en faveur du groupe séparatiste armé qui se fait appeler Polisario.
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Un pari diplomatique audacieux
Pour les observateurs, ce « deal » annoncé s’inscrit dans la continuité des Accords d’Abraham, impulsés par Jared Kushner dès 2020, et qui avaient conduit à la normalisation entre le Maroc et Israël. Cette fois, Washington mise sur un “Abraham Accords 2.0” version maghrébine, visant à pacifier le flanc ouest du monde arabe tout en confortant la présence américaine face à la montée en puissance de la Chine et de la Russie sur le continent africain.
Mais le pari est risqué. Les relations entre Rabat et Alger sont gelées depuis plus de quatre ans. Les frontières terrestres demeurent fermées, la coopération sécuritaire est inexistante et la rivalité diplomatique s’est accentuée, notamment autour du dossier saharien et des alliances régionales.
Pour le régime algérien, cette annonce agit comme un électrochoc. Selon plusieurs sources diplomatiques, Alger a été prise de court, sans consultation préalable. L’administration Tebboune, déstabilisée, oscille entre silence crispé, indignation feutrée et discours de résistance. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer une adhésion rapide à un processus de paix piloté depuis Washington.
Le Maroc, un partenaire stratégique consolidé
Côté marocain, cette sortie s’inscrit dans une dynamique de consolidation stratégique. Depuis plusieurs années, Rabat s’est imposé comme le partenaire le plus stable et le plus fiable des États-Unis en Afrique du Nord. Sur le plan sécuritaire, le Maroc est un allié majeur hors OTAN ; sur le plan diplomatique, il constitue un relais privilégié dans la coopération Afrique–Amérique et dans la politique américaine envers le monde arabe.
De plus, la diplomatie marocaine a réussi à tisser des alliances solides avec Israël, les pays du Golfe et plusieurs capitales africaines, consolidant ainsi son poids régional. Un éventuel accord de détente avec Alger — même symbolique — renforcerait encore cette stature et repositionnerait le Maroc comme acteur central de la stabilité maghrébine et sahélo-saharienne.
Une recomposition du Maghreb sous impulsion américaine
En toile de fond, la manœuvre s’inscrit dans un redéploiement global de la politique étrangère américaine sur le continent africain. Washington cherche à reprendre la main sur un espace maghrébin où la Russie s’affirme via le Sahel, la Chine s’ancre économiquement, et l’Union européenne peine à définir une stratégie claire.
En poussant vers une désescalade Maroc–Algérie, les États-Unis espèrent non seulement consolider le front ouest-africain face à Moscou, mais aussi créer un corridor diplomatique et économique reliant Casablanca à Dubaï via Alger et Le Caire.
Reste à savoir si ce projet, ambitieux sur le papier, résistera à la réalité des rancunes historiques, des divergences politiques et des tensions idéologiques profondément ancrées entre Rabat et Alger.
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Une fenêtre diplomatique à haut risque
En annonçant un calendrier serré — soixante jours pour parvenir à un accord — Steve Witkoff et Jared Kushner envoient un signal clair : l’administration Trump veut marquer un coup diplomatique fort avant la fin de l’année. Reste à déterminer si Alger acceptera d’entrer dans la danse, ou si cette opération relèvera davantage du coup de communication géopolitique que d’un processus de paix concret.
Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : le Maghreb est de retour au centre des priorités américaines. Et dans ce nouvel échiquier, le Maroc, fort de ses succès diplomatiques récents, apparaît comme la pièce maîtresse de la stratégie de Washington.