Sahara : De Mistura appelle à des négociations avant fin 2025
Sahara : De Mistura appelle à relancer les négociations avant fin 2025 pour éviter une escalade entre le Maroc et l’Algérie
L’émissaire des Nations unies exhorte les parties à reprendre le dialogue dans le cadre des Tables rondes, gelé depuis 2019. Il alerte sur les conséquences d’une impasse diplomatique prolongée, dans un contexte de tensions régionales et de course à l’armement.
Un avertissement sans détour depuis le Conseil de sécurité
Le dossier du Sahara dit occidental revient une fois de plus au centre des débats onusiens. Lors d’une session à huis clos du Conseil de sécurité, le 10 octobre dernier, Staffan de Mistura, envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara dit occidental, a lancé un appel urgent en faveur de la reprise du processus politique entre les quatre parties concernées : le Maroc, le groupe séparatiste armé qui se fait appeler Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie.
Selon des informations révélées par l’agence italienne NOVA, le diplomate italo-suédois a plaidé pour « l’organisation d’un nouveau cycle de négociations avant la fin de l’année 2025 », dans le cadre des Tables rondes suspendues depuis 2019.
À défaut, il a mis en garde contre « une dérive militaire dangereuse aux répercussions régionales et internationales », soulignant que l’absence de dialogue risquait d’alimenter les tensions croissantes entre Rabat et Alger.
Les Tables rondes, un processus en sommeil
L’appel de Staffan de Mistura s’inscrit dans un contexte où les Tables rondes de Genève – tenues pour la première fois en décembre 2018 puis en mars 2019 – sont à l’arrêt.
Ces rencontres, initiées sous l’égide de l’ONU, avaient permis d’amorcer un timide dialogue entre les parties. Mais depuis, l’Algérie et le Front Polisario ont rejeté toutes les résolutions du Conseil de sécurité appelant à la reprise du format quadripartite.
De Mistura, conscient de la fragilité du statu quo, estime qu’il est temps de « changer de rythme » et d’entrer dans « une nouvelle phase de négociation fondée sur le réalisme et le compromis ».
« L’heure est venue de prendre des décisions courageuses pour éviter qu’une paralysie diplomatique ne se transforme en conflit ouvert », a-t-il averti, selon les extraits cités par l’agence NOVA.
Le soutien implicite du secrétaire général de l’ONU
Cette position rejoint celle du secrétaire général Antonio Guterres, qui, dans son rapport remis en août dernier à l’Assemblée générale, avait déjà insisté sur la nécessité d’un « changement de cap sans délai ». Guterres appelait à s’appuyer sur les bons offices de l’ONU et sur le soutien de la communauté internationale pour parvenir à une solution politique, réaliste, durable et mutuellement acceptable – des termes désormais inscrits dans le vocabulaire onusien du dossier saharien.
Alger sommée de « jouer un rôle constructif »
Dans son intervention, Staffan de Mistura a clairement invité l’Algérie à assumer un rôle plus constructif. Il a encouragé Alger à inciter le Front Polisario à renouer avec la voie diplomatique, en renonçant à la logique militaire adoptée depuis la rupture du cessez-le-feu en novembre 2020.
« Le rôle de l’Algérie est déterminant. Sans son implication positive, il sera difficile de recréer la confiance nécessaire à la reprise du dialogue », aurait insisté De Mistura, selon la même source.
Cette recommandation tranche avec la ligne affichée récemment par le président Abdelmadjid Tebboune, qui déclarait qu’Alger « ne dicterait jamais de solution que le Polisario refuserait ».
Rabat invité à préciser sa proposition d’autonomie
L’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU a également exhorté le Maroc à approfondir sa proposition d’autonomie, présentée dès 2007 comme base d’une solution politique.
Il a suggéré que le Royaume « développe par écrit et de manière détaillée les contours de son plan », afin de nourrir le futur processus de négociation.
Pour Rabat, cette initiative reste « la seule option crédible et réaliste ». Elle a d’ailleurs reçu le soutien explicite de plusieurs capitales, dont Washington, Madrid et Berlin, qui y voient une voie pragmatique pour clore un différend vieux de près d’un demi-siècle.
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La Mauritanie saluée pour sa « neutralité positive »
Staffan de Mistura a tenu à saluer la posture équilibrée de la Mauritanie, qualifiée de « neutre mais non indifférente ».
Nouakchott, qui partage une longue frontière avec la zone de conflit, joue un rôle discret mais essentiel dans la stabilité régionale. Sa participation continue aux discussions est perçue comme un gage de crédibilité et d’équilibre pour tout processus de médiation.
Un climat de méfiance et de réarmement inquiétant
Dans un ton plus grave, De Mistura a alerté le Conseil sur les tensions militaires croissantes entre le Maroc et l’Algérie, alimentées par une course à l’armement sans précédent.
Les deux pays, parmi les plus grands importateurs d’armes d’Afrique, ont renforcé leurs capacités militaires dans un contexte de rivalité stratégique, marqué par la rupture des relations diplomatiques décidée par Alger en 2021.
« Ce climat de méfiance, associé à l’absence de dialogue, accroît les risques d’une escalade incontrôlée susceptible de déstabiliser l’ensemble du Maghreb », a-t-il mis en garde.
La MINURSO, « un outil de stabilité indispensable »
En conclusion, l’envoyé spécial a plaidé pour que la prochaine résolution du Conseil de sécurité, attendue à la fin du mois, mentionne explicitement la nécessité d’engager de nouvelles négociations avant fin 2025.
Il a aussi insisté sur le maintien de la MINURSO, la mission onusienne déployée depuis 1991, qu’il qualifie d’« instrument essentiel de médiation et de stabilité sur le terrain », même dans un format réduit.
« La MINURSO demeure la garantie minimale contre la dégradation du statu quo », a-t-il souligné, tout en reconnaissant les limites d’une mission souvent critiquée pour son manque de moyens et de mandat politique.
Une séquence diplomatique sous tension
Cet appel de De Mistura intervient à un moment décisif : la Russie, présidente du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre, devra piloter l’adoption d’une nouvelle résolution sur le Sahara.
Dans ce contexte, la marge de manœuvre diplomatique du Maroc comme de l’Algérie s’annonce étroite, alors que la communauté internationale s’impatiente face à un conflit gelé depuis près de 50 ans, mais dont les ramifications sécuritaires et géopolitiques dépassent désormais les frontières du Maghreb.