Maroc – GenZ212 : le mouvement canalisé dans un cadre pacifique
Maroc – GenZ 212 : le mouvement canalisé dans un cadre pacifique
Le jeudi 2 octobre, les principales villes marocaines – Casablanca, Rabat, Tanger, Fès – ainsi que plusieurs petites localités, ont été le théâtre de nouvelles mobilisations de la jeunesse sous la bannière du collectif GenZ212. Ces manifestations pacifiques, organisées dans un climat marqué par la colère sociale et les appels au changement, avaient pour objectif central de réclamer des réformes urgentes et profondes dans les secteurs de la santé et de l’éducation nationale.
Contrairement aux violences des jours précédents, ces rassemblements ont été exemplaires. Aucun incident majeur n’a été signalé et l’organisation a reflété une nette volonté de canaliser la contestation dans un cadre pacifique. Pour de nombreux observateurs, cela marque une évolution notable dans la dynamique des mobilisations de la génération Z au Maroc.
Une mobilisation organisée et pacifique
Les sit-in, qui ont débuté en fin d’après-midi vers 18h, se sont distingués par leur discipline et leur caractère citoyen. Les forces de l’ordre, présentes en nombre, se sont limitées à garantir la sécurité et la fluidité de la circulation, adoptant une approche mesurée et non répressive. À Rabat, des scènes inédites ont marqué l’événement : les manifestants ont interrompu leurs slogans revendicatifs pour applaudir les policiers présents. À Khouribga, des jeunes ont offert des fleurs aux membres de la Sûreté nationale et des Forces auxiliaires, symbolisant une volonté de respect et de dialogue entre citoyens et institutions.
En amont, le collectif GenZ212 avait fixé 13 villes comme points de rassemblement et diffusé, sur les réseaux sociaux, un mot d’ordre clair : «Nous rejetons toute forme de violence, de vandalisme ou de désordre». Les organisateurs avaient également défini un cadre horaire (17h–20h) et choisi des lieux ouverts et sécurisés, afin d’éviter tout débordement.
Des revendications claires : santé et éducation
Les jeunes manifestants ont exprimé avec force leur volonté d’obtenir un service public digne, équitable et accessible. L’accent a été mis sur la réforme du système éducatif et du système de santé, deux secteurs perçus comme symboles des inégalités et du mal-développement. Les slogans, banderoles et prises de parole insistaient sur l’urgence de corriger les dysfonctionnements chroniques : manque de médecins, hôpitaux saturés, inégalités d’accès aux soins, classes surchargées, décrochage scolaire massif, etc.
À Casablanca, sur la place des Nations-Unies, de nombreux jeunes ont dénoncé l’écart grandissant entre les promesses gouvernementales et la réalité quotidienne. Ils ont également condamné fermement les actes de vandalisme qui avaient entaché les précédents rassemblements, affirmant leur volonté de distinguer clairement mobilisation citoyenne et violence urbaine.
Un contraste frappant avec les violences du début de semaine
Ces manifestations pacifiques tranchent fortement avec les scènes de chaos enregistrées en début de semaine dans certaines localités, notamment à Inezgane et Leqliaa. Dans ces villes, des émeutes impliquant principalement des mineurs avaient dégénéré en affrontements violents. L’épisode le plus grave fut l’attaque d’une brigade de la Gendarmerie royale, où des émeutiers ont tenté de s’emparer d’armes et de munitions, obligeant les forces de l’ordre à riposter. Le bilan fut lourd : trois assaillants mineurs ont trouvé la mort.
Ces événements ont profondément marqué l’opinion publique et révélé une dérive inquiétante : l’implication massive d’enfants et d’adolescents dans des actes violents. Selon Rachid El Khalfi, porte-parole du ministère de l’Intérieur, «plus de 70% des personnes impliquées étaient mineures, et parfois 100% dans certains groupes». Cette réalité soulève des questions pressantes sur le rôle des familles, l’encadrement parental et les responsabilités collectives dans un contexte de désœuvrement et de marginalisation des jeunes.
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La fermeté de l’État face à la violence
Si les autorités disent comprendre et respecter les revendications légitimes des manifestants pacifiques, elles affichent une tolérance zéro vis-à-vis de la violence. Rachid El Khalfi a réaffirmé que les opérations de maintien de l’ordre seront conduites «avec toute la rigueur que commande la loi», rappelant que la liberté de manifester ne saurait justifier des actes criminels.
Le ministère public a été encore plus ferme. Ahmed Ouali Alami, haut responsable du parquet, a déclaré que «les actes de sabotage, d’incendie criminel et de violence visant des biens publics et privés n’ont aucun lien avec la liberté d’expression». Ces infractions sont sévèrement sanctionnées par le Code pénal, avec des peines allant de 10 à 30 ans de prison, voire la réclusion à perpétuité dans les cas les plus graves.
Un tournant dans la contestation sociale ?
La mobilisation du 2 octobre illustre une maturité croissante de la génération Z, déterminée à exprimer ses revendications de manière responsable et organisée. Elle témoigne aussi de l’efficacité du travail en amont mené par le collectif GenZ212, qui a su encadrer et pacifier le mouvement.
Toutefois, les attentes restent énormes. La jeunesse marocaine, confrontée au chômage, à la précarité et à des services publics défaillants, réclame des réformes profondes et rapides. La santé et l’éducation ne sont qu’une partie du malaise global qui alimente ce mouvement.
Pour le gouvernement, l’équation est délicate : répondre aux aspirations légitimes d’une jeunesse déterminée tout en maîtrisant les risques de débordements. Dans un pays où la santé et l’éducation sont devenues des symboles de la fracture sociale, la balle est désormais dans le camp des décideurs.