samedi, décembre 28, 2024
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15 à 20% de l’espace aérien du Sahara controlé par le Maroc

15 à 20% de l’espace aérien du Sahara controlé par le Maroc

Le transfert du contrôle aérien du Sahara (dit occidental ou atlantique) de l’Espagne au Maroc semble s’être effectué dans une certaine discrétion, un processus qui suscite des préoccupations et des interrogations en Espagne. Selon des informations rapportées par un média espagnol, entre 15 et 20 % de l’espace aérien du Sahara occidental serait désormais sous le contrôle direct de Rabat. Cette portion aurait été obtenue par « des actions unilatérales », déplorent des sources citées par El Independiente, un journal espagnol hispanophone. Le Maroc aurait notamment recours à l’établissement de zones d’exclusion aérienne, qu’il justifie par des « exercices militaires », mais qui ont permis au royaume de s’imposer de facto comme l’autorité de gestion de cet espace aérien.

L’instauration unilatérale des zones dangereuses
Un rapport d’ENAIRE (anciennement AENA, l’Agence espagnole des aéroports et de la navigation aérienne) révèle que le Maroc a mis en place quatre zones dites « dangereuses » dans l’espace aérien de ses Provinces du sud. Ces zones, activées et désactivées à la seule discrétion du Maroc, sont gérées sans aucune coordination avec les autorités espagnoles, souveraineté oblige. Cela signifie que les autorités marocaines ont pris des décisions unilatérales concernant l’usage de cet espace aérien, sans consulter le Centre de contrôle du trafic aérien des Îles Canaries, l’entité responsable de la gestion du trafic aérien pour cette région du monde. 

Une gestion diplomatique prudente de l’Espagne
Malgré l’ampleur de la question, le gouvernement espagnol semble aborder ce sujet avec une grande prudence, optant pour la discrétion dans ses déclarations officielles. Deux ans après que les relations entre l’Espagne et le Maroc aient pris un tournant significatif, notamment avec le changement de position de Madrid concernant le Sahara occidental qu’il avait occupé au détriment du Maroc, les autorités espagnoles restent relativement vagues sur les détails des négociations et des accords bilatéraux liés à cette question sensible. Cette prudence est exacerbée par les nombreuses questions soulevées par les parlementaires de l’opposition ainsi que par certains partis soutenant l’exécutif mais proches du groupe séparatiste Polisario. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a été interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment sur les actions unilatérales du Maroc en matière de contrôle aérien. Dans ses réponses, le chef d la diplomatie espagnole se limite à rappeler que, selon la déclaration conjointe maroco-espagnole du 7 avril 2022, « des discussions concernant la gestion des espaces aériens seront engagées » entre les deux pays. Cependant, José Manuel Albares se garde bien de fournir davantage de détails sur l’évolution de ces discussions ou sur les actions concrètes entreprises pour répondre aux préoccupations soulevées. Ce point spécifique, qui figure dans la Déclaration conjointe, a été présenté comme un compromis diplomatique visant à apaiser les tensions, mais il reste flou sur les modalités précises de la mise en œuvre de ces discussions.

La déclaration conjointe du 7 avril 2022
La Déclaration conjointe maroco-espagnole du 7 avril 2022, qui a suivi les entretiens entre le roi Mohammed 6 et le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez à Rabat, a permis d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations bilatérales entre les deux pays. Ce texte marque un tournant majeur dans la position de l’Espagne sur le Sahara atlantique, avec une reconnaissance implicite du plan d’autonomie proposé par le Maroc pour cette région. La déclaration inclut un engagement à améliorer la gestion des espaces aériens entre les deux pays, sans toutefois préciser concrètement la manière dont ces discussions seraient menées ni les compromis auxquels les deux parties pourraient parvenir. Il est important de noter que la question du contrôle aérien dans le Sahara occidental marocain est particulièrement sensible. La gestion de cet espace aérien revêt une dimension géopolitique, car elle touche à la souveraineté du Maroc sur son Sahara occidental, une région que le royaume considère comme faisant partie intégrante de son territoire.

Le rôle de l’Espagne dans le dossier de son ancienne colonie
L’Espagne, ancienne puissance coloniale de la région, joue un rôle clé dans ce dossier. Après des décennies d’ambiguïté, l’Espagne a modifié sa position en mars 2022, en apportant son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour son Sahara occidental, ce qui a provoqué des tensions avec le groupe séparatiste Polisario et son principal soutien, notamment le régime algérien. Le transfert effectif de la gestion de l’espace aérien pourrait être perçu comme une consolidation de cette nouvelle position diplomatique et un autre signe de rapprochement entre Madrid et Rabat. Les autorités marocaines, de leur côté, continuent de renforcer leur contrôle sur les zones sensibles du Sahara occidental, un territoire qui est sous leur souveraineté. L’établissement de zones d’exclusion aérienne, qui permettent de restreindre l’accès à une partie de l’espace aérien, s’inscrit dans cette logique de renforcement de l’autorité marocaine sur sa région.

En bref…
Ainsi, le transfert du contrôle aérien du Sahara dit occidental ou atlantique du Maroc à l’Espagne, bien qu’il ne soit pas explicitement reconnu comme tel par les deux pays, semble s’opérer progressivement à travers des actions unilatérales marocaines, comme l’établissement de zones d’exclusion aérienne. Le gouvernement espagnol, tout en reconnaissant l’importance de cette question, semble choisir la prudence dans ses réponses, préférant ne pas soulever de vagues supplémentaires. Cela reflète une stratégie diplomatique visant à maintenir de bonnes relations avec le Maroc tout en gérant les pressions internes et internationales sur le statut du Sahara occidental marocain. La question du contrôle aérien, bien qu’importante, n’est qu’un aspect d’un dossier bien plus vaste qui reste au cœur des relations maroco-espagnoles.