samedi, septembre 14, 2024
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Projets stratégiques au Maroc: la France de retour face à l’Espagne

Projets stratégiques au Maroc : la France de retour face à l’Espagne

Ces dernières années, les entreprises françaises ont perdu du terrain face à leurs concurrentes espagnoles sur le marché marocain. Cependant, elles tentent désormais de regagner leur position, notamment grâce au réchauffement des relations diplomatiques entre Rabat et Paris. Ce rapprochement politique a contribué à renforcer les opportunités économiques, notamment dans les secteurs stratégiques du réseau ferroviaire et des énergies renouvelables, qui sont devenus des terrains de compétition acharnée entre la France et l’Espagne, deux pays de l’Union européenne.

Le 1er août dernier, un consortium composé des entreprises françaises Egis et Systra, en collaboration avec l’entreprise marocaine Novec, a remporté un contrat majeur d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le développement des infrastructures de la future ligne à grande vitesse (LGV) reliant Kénitra à Marrakech. Ce contrat, d’une valeur estimée à près de 1,4 milliard de dirhams (environ 130 millions d’euros), a été très convoité par plusieurs groupes de renom, parmi lesquels l’Espagnol Ineco, qui était considéré comme le favori en raison d’une offre financière inférieure à celle du consortium franco-marocain.

Ce contrat, bien que technique en apparence, illustre la féroce compétition entre Paris et Madrid pour remporter des projets d’infrastructures au Maroc, comme le souligne le mensuel Jeune Afrique. Ce contexte met en lumière l’enjeu stratégique que représente le marché marocain pour ces deux puissances européennes.

Aujourd’hui, l’Espagne demeure le principal partenaire commercial du Maroc. En effet, Madrid prévoit d’investir environ 45 milliards de dirhams (près de 4,2 milliards d’euros) au Maroc d’ici 2050, visant plusieurs secteurs clés pour favoriser l’expansion de ses entreprises dans le pays. Parmi ces secteurs, le projet « Rail Maroc » de l’Office National des Chemins de Fer (ONCF) occupe une place centrale. Ce plan ambitieux, qui vise à connecter 87 % de la population marocaine au réseau ferroviaire d’ici 2040, contre 51 % actuellement, nécessite un budget prévisionnel colossal de 375 milliards de dirhams (environ 35,5 milliards d’euros).

Durant la récente crise diplomatique entre le Maroc et la France, l’Espagne a su tirer parti de la situation pour renforcer sa présence économique au Maroc, laissant la France en retrait. Toutefois, avec l’amélioration des relations diplomatiques entre Rabat et Paris, les entreprises françaises cherchent à rattraper leur retard, comme l’a récemment souligné Jeune Afrique en citant un expert du dossier.

Dans ce contexte, la concurrence entre entreprises françaises et espagnoles est particulièrement vive dans le secteur ferroviaire. Les groupes espagnols Talgo et Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) sont activement engagés dans la course pour décrocher des contrats juteux, mais leur rival français, Alstom, a également de solides atouts. Les trois géants de l’industrie ferroviaire s’affrontent actuellement pour remporter un contrat évalué à 1,6 milliard d’euros, portant sur la fourniture de 168 trains à l’ONCF, dont 18 à grande vitesse.

Toutefois, le secteur ferroviaire n’est pas le seul champ de bataille entre la France et l’Espagne au Maroc. Les deux pays se disputent également la réalisation de stations de dessalement de l’eau de mer, un projet stratégique pour le développement durable du Maroc. D’ici 2030, une dizaine de ces stations doivent voir le jour, dans le cadre de la stratégie gouvernementale marocaine.

En 2023, un consortium dirigé par l’entreprise espagnole Acciona, en partenariat avec Green of Africa et Afriquia Gaz, propriété de l’homme d’affaires Aziz Akhannouch, a remporté le marché de la construction de la station de dessalement de Casablanca. Celle-ci est présentée comme la plus grande d’Afrique, au détriment de l’offre proposée par le groupe français Suez, associé au marocain Nareva. Ce projet symbolise l’avancée des entreprises espagnoles sur ce marché lucratif, au détriment des entreprises françaises.

Cependant, la France n’a pas dit son dernier mot. À Dakhla, dans le Sahara, le groupe français Engie, en partenariat avec Nareva, a décroché un contrat de 2 milliards de dirhams (environ 190 millions d’euros) pour la construction d’une station de dessalement. Cette installation est destinée à l’approvisionnement en eau potable et à l’irrigation, et elle se distingue par son fonctionnement en osmose inverse, alimentée par un parc éolien dédié. Cette technologie, entièrement verte, constitue une première mondiale, et souligne l’engagement de la France dans des projets d’infrastructures durables au Maroc.

En somme, la compétition entre la France et l’Espagne pour le contrôle des projets d’infrastructures au Maroc est intense, s’étendant au-delà du secteur ferroviaire pour inclure également des initiatives majeures dans les énergies renouvelables et la gestion des ressources en eau. Ces projets ne sont pas seulement des contrats commerciaux, mais aussi des symboles de l’influence croissante que chacun de ces deux pays cherche à exercer dans une région stratégiquement importante.