Sahara: un ex diplomate tunisien accuse son pays d’avoir créé une « crise diplomatique » avec le Maroc
Sahara: Un ancien diplomate tunisien accuse son pays d’avoir créé une « crise diplomatique » avec le Maroc
Un ancien ambassadeur tunisien, Abderraouf Betbaied, a regretté que son pays ait créé une « crise diplomatique » avec le Maroc lors de son mandat au Conseil de sécurité des Nations Unies s’est achevé le 31 décembre 2021. Le diplomate critique le « piètre résultat » de la diplomatie tunisienne au CS à une « méconnaissance des réalités géopolitiques ».
Dans une tribune publiée dans des médias tunisiens, l’ancien ambassadeur de la Tunisie, Abderraouf Betbaied, ancien ambassadeur de la Tunisie en Hongrie, et ancien conseiller du président Kais Saied entre 2019 et 2020 (il a démissionné après avoir emmené Kais Saied à la victoire aux élections, NDLR), a vertement critiqué la prestation de son pays au Conseil de sécurité.
Le diplomate de carrière et spécialiste du droit a estimé que deux problèmes ont entaché la prestation de la délégation tunisienne à New York. D’une part, la crise politique dans le pays et d’autre part, « les flottements de la diplomatie tunisienne (qui) ont lourdement hypothéqué » le mandat de Tunis au sein de l’instance onusienne.
« Les flottements de la diplomatie tunisienne et la méconnaissance des réalités géopolitiques nous ont même couté deux crises diplomatiques : l’une avec l’Ethiopie sur le barrage de la renaissance et la deuxième avec le Maroc sur le Sahara occidental », a-t-il déclaré.
La Tunisie a été le seul pays (aux côtés de la Russie, traditionnel allié de l’Algérie par la vente d’armes et surtout comme opposant aux Etats-Unis) qui s’est illustré par sa position hostile au texte de la résolution du Conseil de sécurité.
La résolution du Conseil de sécurité sur le conflit autour du Sahara qui portait sur le renouvellement du mandat de la mission d’observation (Minurso) avait appelé à ce que toutes les parties (Maroc, Algérie, Mauritanie, milices du polisario) s’impliquent dans le processus politique des tables rondes avec Staffan de Mistura, le nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Sur les 15 membres du Conseil de sécurité, seules la Tunisie et la Russie ont choisi de s’abstenir.
La Russie, pour des raisons évidentes, notamment car le pays ne perd pas de vue sa position hostile vis-à-vis des Etats-Unis, le pen holder (rédacteur) du texte de la résolution. Mais dans le cas de la Tunisie, son abstention a signifié une position proalgérienne, soit proséparatiste, dans ce conflit régional, plus qu’autre chose, ce qui l’a faite sortir de sa case de neutralité.
Et si certains observateurs ont estimé que cette abstention signifiait que Tunis ne voulait pas prendre parti entre l’Algérie et le Maroc, l’ambassadeur tunisien Abderraouf Betbaied, lui y vu une « crise diplomatique » déclenchée bêtement avec le Maroc. Il estime que cette action est due à une « méconnaissance des réalités géopolitiques » et par cela, le diplomate reconnait que son pays a choisi le parti du perdant, à savoir l’Algérie.
Car, en diplomate aguerri, Betbaied sait que dans l’intérêt des pays, il faut suivre les développements du contexte et adapter leur position pour tirer leur épingle du jeu. Et s’il n’y a pas de crise diplomatique ouverte entre Rabat et Tunis de façon officielle, l’ancien ambassadeur a été lucide sur l’interprétation du geste de la Tunisie lors du vote du Conseil de sécurité par le Maroc qui place le Sahara au sommet de ses intérêts suprêmes.
« Force est de constater que la désignation de trois Ambassadeurs à New York pour un mandat de deux ans a été largement compromettante pour la crédibilité et le sérieux de la Tunisie », a regretté l’ambassadeur qui ajoute que d’après les observateurs, il s’agissait d’une première dans les annales du Conseil de sécurité.
Et de juger « regrettable » que la Tunisie n’ait pas su saisir cette occasion pour présenter une initiative, « ni encore se prévaloir d’un quelconque leadership sur l’une des questions a son ordre du jour, en citant la question libyenne et palestinienne, le terrorisme ou le maintien de la paix ».
« Le plus drôle à relever de ces deux années de la Tunisie au Conseil de sécurité est que le Président de la République et chef de la diplomatie tunisienne Kais Saied n’a jamais jugé utile de s’entretenir une seule fois avec le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres », encore asséné Abderraouf Betbaied, dressant le bilan décevant du pays du jasmin, alors qu’il aurait pu en profiter étant donné qu’Antonio Guterres est, selon lui, « un grand ami de la Tunisie et un fervent défenseur de la transition démocratique dans notre pays ».
Pour le diplomate, la Tunisie a gâché sa chance à de nombreux égards, notamment pour se positionner sur la scène internationale, surtout que le pays ne pourra espérer retourner en tant que membre non permanent au sein du Conseil de sécurité que dans 20 ans, selon la règle de la rotation géographique.