Le Kenya viole les règles de l’Union africaine
Union africaine: le Kenya se ridiculise avec un coup d’épée dans l’eau et viole les règles de l’institution
Uhuru Kenyatta, président du Kenya et du Conseil paix et sécurité, a bafoué les procédures de l’UA en procédant à la publication d’un communiqué fallacieux suite au sommet du 9 mars dernier. Une missive qui n’a aucune valeur juridique et que plusieurs États membres s’apprêtent à dénoncer.
«Il s’agit de violations graves et de contenu fallacieux». C’est ainsi que qualifie une source autorisée, le communiqué, aussi ridicule qu’insignifiant, que vient de rendre public le Conseil paix et sécurité (CPS) présidé, en ce mois de mars, par Uhuru Kenyatta, président du Kenya.
Ce «document» aussi ridicule que hors-la-loi, est venu sanctionner la 984e réunion du CPS , provoquée, le 9 mars, par le commissaire algérien servant l’agenda son pays, Smaïl Chergui, soit trois jours avant qu’il ne fasse ses cartons. Cette réunion, imposée à l’arrachée, a été précédée par des contacts entre le président Abdelmadjid Tebboune et son homologue kenyan qui a choisi de se mettre au ban de l’Union africaine en bafouant outrageusement les procédures de l’organisation panafricaine.
«Ce communiqué demeure nul et non avenu et n’engage que ses auteurs», explique un diplomate marocain tout en énumérant des raisons justifiant la décision du Royaume du Maroc de se dissocier entièrement de ce communiqué qui est immanquablement voué à devenir caduc. En premier lieu, «la convocation du Sommet à l’arrachée et son timing imposé.
Ceci malgré les contestations et réserves de sept Etats membres révèlent des visées politiques malintentionnées, pour servir des agendas restreints au mépris total des règles, procédures et normes de l’Union africaine», souligne le diplomate marocain qui rappelle que «ce sommet était prévu le 25 mars 2021 avant d’être rapproché au 09 mars, à la veille de la prise de service du nouveau leadership de la commission (le Nigérien Bankole Adeoye, ndlr.), qui n’a été associé ni aux préparatifs ni à la substance de ce Sommet.»
Même l’ordre du jour de ce Sommet (suivi du paragraphe 15 de la décision de la 14e session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA sur les activités et les efforts visant à faire taire les armes, tenue le 6 décembre dernier) a été emprunt par la sélectivité, dans la mesure où il prévoit l’examen d’un seul paragraphe de la décision sur un total de 19 paragraphes.
«Il revient au président du CPS et aux Etats membres de cet organe de décider des points à l’ordre du jour à retenir et non pas au Commissaire (Samail Chergui, ndlr)», explique le diplomate marocain.
Cette violation a été d’ailleurs contestée par le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, durant le Sommet, en sa qualité de garant du respect des règles et procédures de l’organisation. Moussa Faki a d’ailleurs ouvertement dénoncé les manœuvres de l’Algérien Smaïl Chergui, devant l’ensemble de l’auditoire.
«Il faut en finir avec les manœuvres du commissaire Chergui qui nous mettent devant le fait accompli. Je n’ai eu de cesse d’insister sur la nécessité de laisser la Troïka faire sans travail et arrêter de vouloir inventer des mécanismes à chaque réunion», a lancé en substance Moussa Faki durant son intervention.
D’ailleurs, l’examen de ce point traitant du Sahara à l’ordre du jour imposé, remet en cause l’esprit et la lettre de la décision 693, établissant un mécanisme de la Troïka, exclusivement mandatée pour examiner cette question et pour en faire rapport à la Conférence et en cas de besoin au CPS au niveau des chefs d’Etat. «Cette décision a été le fruit d’un long processus de négociation, avec toutes les parties concernées et dont l’adoption à l’unanimité a permis, de créer une nouvelle dynamique constructive au sein de l’Union.
Mais aussi d’éviter d’entraver le bon fonctionnement de l’Institution», nous rappelle le diplomate marocain qui insiste sur le fait que le paragraphe 15 de la décision du sommet extraordinaire sur «faire taire les armes», avait lui-même été marqué par une violation flagrante des procédures.
«Le comité de rédaction n’a pas pu vérifier l’exactitude des conclusions du président (faute d’enregistrement qui devait être soumis par la Commission) et malgré tout, ce paragraphe a été imposé en dépit des contestations écrites de sept Etat membres du comité de rédaction».
Pour le diplomate marocain, «cette politique de fait accompli et de violation des procédures a été derrière le communiqué de la 984e session du CPS, imposé par la présidence kenyane, pour des visées politiques bien évidentes, en violation flagrante et sans précédent des règles et procédures énoncées dans le protocole et le manuel concernant les méthodes de travail du CPS, endossé par les chefs d’Etat, particulièrement dans ses paragraphes 56 et 57.»
En effet, cette bible des procédures de l’organisation panafricaine stipule clairement que «si les membres du CPS ne parviennent pas à s’entendre après le second tour de la procédure par accord tacite, le secrétariat du CPS, en consultation avec le président du CPS, organisera une réunion formelle du CPS, afin de réexaminer et d’adopter un projet de communiqué ou de communiqué de presse.
La discussion mettra uniquement l’accent sur la question de divergence.» La présidence kenyane a pourtant choisi de faire fi de ces règles et d’outrepasser son mandat en procédant unilatéralement à la publication de ce communiqué, entachant ainsi la crédibilité du seul organe permanent de prise de décision de l’UA.
Tandis que l’UA réformée devait rompre avec les politiques du fait accompli et des manœuvres, et libérer l’organisation panafricaine du joug des agendas restreints, il semble que certaines parties résistent à l’essor de l’Union en imposant, sciemment, le maintien de certaines pratiques fâcheuses qui ne font que bloquer la marche vers laquelle aspire les peuples africains. Le Royaume a toujours déploré ces manœuvres et cette politique de fait accompli.
Ceci tout en réitérant son engagement constant à continuer de contribuer de manière constructive à l’action africaine commune. Il est dans son droit de se dissocier pleinement du contenu controversé de ce communiqué ainsi que de ses conclusions politiquement orientées ayant été fraudées aussi bien dans la forme que dans la substance et qui créent un précédent très grave pour l’avenir de l’UA.
D’ailleurs plusieurs pays africains partagent la position de la diplomatie marocaine. Pas moins de sept Etats s’apprêtent à rejeter ce communiqué, estimant qu’il n’a aucune valeur juridique et est voué aux oubliettes. Cela met en jeu la crédibilité d’une institution tenue de respecter les règles et de ne pas rééditer d’anciennes pratiques qui renvoient au passé.
L’image de marque de cette institution sur la scène internationale, maculée aujourd’hui par le comportement du Kenya, qui viole les règles, pousse à s’interroger. Qu’est-ce qui a poussé le président kenyan à servir un agenda, connu de tous, quitte à mettre son pays au ban des nations africaines? Son concours aux manœuvres du «scavenger» Chergui est un coup d’épée dans l’eau qui va desservir durablement le Kenya.